Le paradigme de l’impunité, entrave aux réparations arméniennes

Par Alexandre KEBABDJIAN

A partir de 1923, les USA et l’Europe ont tourné le dos aux réparations et ont ainsi jeté les bases de l’impunité de la Turquie responsable du génocide des Arméniens. En 1952, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a intégré l’Etat génocidaire pour élargir l’espace de l’OTAN à l’Asie mineure, et mieux se protéger géostratégiquement face au bloc soviétique. La Turquie a ainsi obtenu son blanc-seing et sa protection contre toute poursuite pénale, puisqu’elle était membre d’une organisation militaire intégrant la plupart des pays de l’Occident.

Du côté russe, la doctrine de Moscou consistait à ne pas évoquer ce problème des réparations et de la justice pénale pour ne pas se mettre à dos une Turquie perçue comme un bouclier, depuis l’époque des Bolchéviks. Aujourd’hui, cet interdit, devenu tabou, est scrupuleusement appliqué par Erevan.

Depuis les années 1960, la reconnaissance internationale du génocide voulue par les organisations arméniennes de la diaspora a procuré au monde un outil pour ne jamais évoquer l’exigence pénale de réparations vis-à-vis de la Turquie. Notons l’extension de cette politique à l’Azerbaïdjan, coupable dès 1909 de pogroms de masse anti-arméniens.

Dans les années 1970 et 1980, décennies de l’émergence de la mémoire arménienne, sont sortis de l’ombre les témoignages de survivants du génocide. L’opinion a découvert l’ampleur des pertes et de la destruction de l’Arménie historique et de ses populations entre 1915 et 1923.

En réaction, toutes celles et ceux qui jusqu’à alors avaient brillé par leur silence complice envers Ankara, ont mis en branle une machine négationniste.

Après la reconnaissance par plusieurs Etats du génocide de 1915, la communauté scientifique ne peut plus désormais, comme dans le passé, nier le génocide.

En revanche, la question de l’impunité demeure un sujet tabou. Ce paradigme de l’impunité constitue le socle à partir duquel, à son tour, la communauté scientifique ouvre les portes d’un révisionnisme rampant et d’une banalisation historique.

La communauté scientifique sert de caution à l’absence de justice pénale et de réparations arméniennes.

Pour perpétuer l’impunité – cette catastrophe historique et ce scandale politique absolu – le monde occidental a recours à une stratégie globale : corrompre les Arméniens et soutenir la Turquie.

Unicitarisme

Les unicitaristes ont défendu becs et ongles la « supériorité » d’un génocide sur tous les autres, dans une hiérarchie, en soulignant la soi-disant « unicité » d’un génocide, par opposition à la « non-unicité » du génocide des Arméniens, notamment. Ce dogme a servi de renfort à Ankara, qui s’est appuyé volontiers sur ce secours inespéré.

Les unicitaristes sont attachés aux bonnes relations entre l’Occident et la République de Turquie. Ils portent une honte, assumée ou non, de la lâcheté historique dont ont fait preuve leurs pays, en permettant le génocide de 1915-1923, en ne condamnant pas la Turquie pour crime contre l’humanité, en avortant les procès des Ittihadistes Jeunes-Turcs (Angleterre en 1921 à Malte), en signant des traités d’abandon avec la Turquie (la Russie, la France et l’Angleterre ont été les signataires des traités de Moscou, de Lausanne et d’Alexandropol).

Dans les médias télévisuels, ces unicitaristes chercheront, par exemple, à escamoter la référence à l’Arménie, aux Arméniens et à la civilisation arménienne, à la moindre question d’un journaliste. Ainsi, le 12 décembre 2021, dans l’émission En toute franchise, lorsque la journaliste a évoqué l’Arménie, M. Cohn-Bendit, après avoir jeté à son interlocutrice un regard étonné, a aussitôt détourné la conversation vers un autre sujet, avant d’évoquer, finalement, le génocide des Juifs, en remplacement de celui des Arméniens qui faisait l’objet de la question. C’est ainsi qu’opéraient les adeptes de l’unicité de la Shoah à l’époque du négationniste Bernard Lewis et des débats liés à la loi de reconnaissance du génocide des Arméniens. Tous semblent avoir oublié l’héritage de Raphael Lemkin, et le travail des chercheurs de l’International Association of Genocide Scholars. Rappelons que M. Cohn-Bendit est un partisan endurci de l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne.

Les falsificateurs

Globalement, la méthodologie de cette communauté scientifique a varié au cours du temps et des évènements. Il s’agissait d’abord, naturellement, d’enfouir le « problème arménien », puis d’attendre traitreusement que les survivants du génocide disparaissent.

Après la reconnaissance du génocide dans les années 2000, la communauté scientifique a commencé un long travail pluri-disciplinaire de banalisation du génocide et de la mémoire arménienne, mis en oeuvre divers subterfuges, escamotages et techniques, en cherchant, par exemple, à se servir de périphrases : « concurrence mémorielle », « revendications mémorielles », « inflation mémorielle », « bellicisme mémoriel », etc.

Ce sont les abandons successifs des Arméniens que les falsficateurs refusent évidemment d’aborder, comme l’affaire de la Cilicie et les accords secrets menés par Franklin-Bouillon, et plus récemment les crimes de guerre commis par Bakou et Ankara contre les Arméniens de l’Artsakh en 2020.

Au lieu d’aborder le sujet des réparations arméniennes comme conséquence pénale imprescriptible du génocide et de la spoliation, ils présentent l’arrivée des réfugiés comme un problème d’intégration et d’exclusion sociale, et font, du coup, disparaître les liens ontologiques entre les réfugiés et la nation arménienne de l’Empire ottoman.

Après avoir plus ou moins discrètement érigé en modèle l’intégration et le succès des Arméniens (Aznavourisme), voilà qu’on cherche maintenant à réduire l’histoire de la diaspora arménienne à une histoire d’émigration parmi d’autres.

Des semeurs de flou et d’imprécisions ont « sataniquement persévéré » (hommage à Victor Hugo) dans l’ambiguïté et la confusion, et non plus uniquement dans le silence, en associant les Arméniens à une image de « peuple ambulatoire », d’exclus, de « gens de rien », de « gens de peu » !

La non utilisation du mot « spoliation », qui qualifie juridiquement la situation des survivants Arméniens dépossédés de leurs biens et de leur propriété par la Turquie, permet à ces falsificateurs de passer outre l’exclusion des Arméniens de l’histoire, de l’Asie mineure.

Et pour parachever ce charlatanisme qui voudrait se faire passer pour scientifique, en plaquant de manière artificieuse des catégorisations sociologiques contemporaines sur les survivants du génocide, on explique le génocide des Arméniens sans parler de justice pénale, on légitime l’impunité du crime en n’abordant pas les effets juridiques, matériels et territoriaux du crime absolu !

En France comme ailleurs, les financements publics, appliqués aux études sur la diaspora arménienne et à l’enseignement du génocide, jouent inévitablement des tours à la vérité, au sérieux et à la rigueur, causant une chaîne catastrophique de quiproquos, de falsifications et d’enchevêtrements grotesques.

L’enjeu est de dissimuler l’existence d’une Arménie existentiellement menacée, et de chercher à faire taire la diaspora arménienne. Ne pouvant donc dissimuler le « problème arménien » comme par le passé, les milieux universitaires et scientifiques cherchent des ստրուկ (esclave) arméniens, pour reproduire le discours turcophile d’un parti, d’un think-tank ou d’une organisation, pour servir de « caution arménienne » au sabotage de la mémoire arménienne, pour nouer des alliances de coeur ou de raison avec l’Etat turc ou avec des faux amis (lobbies et personnalités jouant un double jeu, turcophiles camouflés).

Les milieux institutionnels, universitaires et médiatiques ont mis entre les mains de ces Arméniens complices divers outils pour mener leurs expériences et obtenir des subventions : le brouillage social et civilisationnel, la diversion, l’escamotage, les euphémismes, l’inversionnisme, la fausse symétrie, l’ultra-scepticisme, la pseudo-neutralité scientifique, l’effacement progressif de l’intention criminelle.

Citons l’exemple d’une historienne, chercheur à l’EHESS, spécialiste de la diaspora arménienne. Citons également un politologue, spécialiste de l’Arménie, journaliste au Monde, enseignant à Sciences Po Paris.

La xénophobie sélective, la diversité faussée et les milieux d’affaire turcophiles

En complément de ces procédés, on a employé à l’encontre des citoyens d’origine arménienne, et des élites arméniennes, un ostracisme, en cherchant à les délégitimer, décrédibiliser.

Les médias et les réseaux turcophiles ont donc gratifié ces intellectuels, politiciens, activistes des droits de l’homme et chercheurs, déjà établis et reconnus dans leurs domaines respectifs, d’un dénigrement ciblé, à vocation de délégitimation, en instruisant des procès en intention contre ces personnalités.

Le camp allergique aux Arméniens est ainsi passé des insinuations calomnieuses et du vocable méprisant à la calomnie tout court, en n’hésitant pas à dénigrer les franco-arméniens (la cinquième colonne « pro-russe », les « gens de rien », manifestant leur « agressivité » « insupportable », les « extrêmistes arméniens », etc) ainsi que tous ceux qui se rallieraient à leur cause, qui compatiraient au sort de l’Arménie.

De nombreux journalistes de la diversité faussée et de l’indignation sélective ont même tenté depuis l’affaire du négationniste Gilles Veinstein (par exemple M. Cahen, le 31 décembre 1998 dans Libération ; M. Héréros, le 13 décembre 2021, dans Huffington Post) d’amalgamer les Français d’origine arménienne et leurs sympathisants, à une mouvance politique française d’extrême-droite, « radicale » et « xénophobe ».

Ces individus spécialisés dans une hiérarchisation entre les origines et les catégories, dénoncent la xénophobie et l’intolérance mais la pratiquent à l’encontre de leurs concitoyens d’origine arménienne, qui deviennent ainsi des victimes consentantes, en leur faisant accepter, en leur for intérieur, l’inéluctabilité de l’impunité.

Quant au milieu de la « diversité faussée », des organisations des droits de l’homme, des associations et des partis politiques, ils se sont servis de la carte de la diversité pour y intégrer la « communauté turque ». Il serait bon de noter que cette « communauté turque » est un amalgame des peuples arménien, grec, assyrien, kurde, alévi et turc sunnite originaires de Turquie, une « communauté turque » dont les données sont entièrement faussées par le gouvernement turc et ses relais, à des fins de propagande, et enregistrées comme telles. Dans cette « communauté turque » disparate, seule la faction ultra-nationaliste, ici convoitée par les partis politiques lors des élections, s’est engagée contre la reconnaissance du génocide.

De leur côté, les milieux d’affaire liés à Ankara et à Bakou, tels que les fonds d’investissement, entreprises d’armement, de télécommunications, de satellites, dont certaines possèdent des médias (Libération, L’Opinion, TF1/LCI, entre autres) accablent occasionnellement les citoyens d’origine arménienne, leurs alliés et leurs soutiens. Ces milieux d’affaire se retrouvent en outre au sein de think tank et d’associations d’amitié avec la Turquie et l’Azerbaïdjan (Institut du Bosphore, Association des Amis de la Turquie, Association des Amis de l’Azerbaïdjan), recrutant dans leurs rangs des femmes et hommes politiques, des intellectuels, des écrivains. Ils participent du soft power d’Ankara et de Bakou, cherchent à moderniser l’image de ces autocraties revanchardes, négationnistes, pro-islamistes et impérialistes.

Les unicitaristes, les falsificateurs, le camp de la diversité faussée et les ultra-turcophiles des milieux d’affaire, agissent au sein des partis politiques, des médias (publics comme privés), des agences de presse, des organisations de la « diversité » ou des droits de l’homme, des observatoires, des milieux artistiques, universitaires, académiques, des centres de recherche nationaux, des facultés et écoles de science-politiques, de droit et de sciences sociales. La liste n’est malheureusement pas exhaustive.

Il n’est donc pas surprenant que ceux qui se sont rendus, directement ou indirectement, complices des crimes d’Ankara et de Bakou, mènent aujourd’hui des cabales dans le but de discréditer ou de calomnier les personnes d’origine arménienne.

Quant aux acolytes arméniens de la falsification, ces ստրուկ (esclave) n’ont pas été la cible de cabales, puisque c’est leur corruption matérielle ou mentale qui était la condition de leur ascension dans leurs milieux respectifs et de l’obtention de subventions de la part de leurs protecteurs. Dans d’autres cas, ces personnalités n’ont pas été visées par des cabales du simple fait de leur ignorance ou de leur crédulité.

C’est manifestement la position stratégique d’une personnalité d’origine arménienne, associée à une indépendance d’esprit, qui déclenche ces torrents de haine de la part de celles et ceux qui tolèrent ou appuient Ankara et Bakou.

L’unicitarisme, la falsification, la diversité faussée, la turcophilie des milieux d’affaire, en réalité, servent de caution à l’absence de justice pénale et de réparations arméniennes.

L’affaire AXA : le mauvais exemple

Après le relatif succès de l’affaire New-York Life Insurance, durant laquelle des réparations furent octroyées aux familles des victimes qui avaient souscrit des polices d’assurance avant le génocide, la gabegie d’Axa, récemment dévoilée par le Los Angeles Times, a mis en lumière le problème de la corruption chez certains Arméniens.

La fraude d’Axa a démontré que les avocats arméniens des Etats-Unis avaient planifié et orchestré le détournement des fonds destinés aux descendants des assurés d’Axa. Ces descendants avaient pourtant suivi toute la procédure exigée par les avocats et disposaient encore de leurs documents d’assurances pour toucher des indemnités. Mais les avocats ont érigé des barrières artificielles, et orchestré un silence consternant, qui leur a laissé le temps de mettre à leur disposition et à celle de leurs proches l’argent des indemnités.

Après cette divulgation de la fraude des avocats par le Los Angeles Times, les plaintes médiatiques de certaines associations françaises, qui ont touché une grande partie du reliquat des fonds d’AXA destinés aux associations arméniennes, semblent quelque peu relever de la supercherie et d’un jeu de dupes : ces plaignants médiatiques ont été partie prenante dans le trucage de la distribution faite aux associations, trucage qu’ils ont géré en sous-main, notamment par l’entremise de leurs alliés de la mouvance Dachnak et du CCAF, faux-nez de « coordination » placé sous le giron Dachnak.

La FRA Dachnaktsoutioun, parti politique qui s’était déjà arrogé un pouvoir discrétionnaire dans les affaires arméniennes, a étendu sa mainmise aux réparations arméniennes, par divers intermédiaires et courroies de transmission. Ses associations et médias (Radio AYP FM, France Arménie Magazine, Croix Bleue, Nouvelles d’Arménie Magazine, etc) ont ainsi été, toutes proportions gardées, les grandes bénéficiaires de ce fiasco d’Axa.

Quant à l’Église arménienne, elle qui était censée donner l’exemple a trahi la confiance des Arméniens, en participant à la gabegie, aux côtés de l’Union Générale Arménienne de Bienfaisance (UGAB).

L’UGAB et la FRA Dachnaktsoutioun, toutes deux fondées à la fin de l’ère ottomane, et qui regroupent aujourd’hui quelques dizaines de milliers d’Arméniens dans le monde, ont conservé une mentalité ottomane de vassaux, voire de ստրուկ (esclave). Leurs fondateurs historiques avaient dès le début écarté la question de l’indépendance de l’Arménie historique, ne parlant au mieux que d’autonomie et de sécurité pour les Arméniens de l’Empire Ottoman, qui subissaient alors le joug du Sultan. L’UGAB était constituée, principalement, de conformistes pacifistes, et la FRA Dachnaktsoutioun, d’adversaires de la bourgeoisie et des élites arméniennes. Les Dachnak étaient atteints d’une jalousie envers leurs compatriotes, qu’ils rançonnaient parfois, pour mener leurs luttes contre le pouvoir ottoman. Depuis la révolution « Jeune-Turque » de 1908, les Dachnak ont été durant plusieurs années, avant le génocide, les alliés politiques et les observateurs des Jeunes-Turcs Ittihadistes d’Union et Progrès, dont ils connaissaient pourtant le fonds idéologique et l’ultra-nationalisme…

Aujourd’hui, les notables, journalistes, historiens et intellectuels de l’UGAB, de la FRA Dachnaktsoutioun, de ses filiales et de ses associations soeurs, se laissent dévoyer par les amis d’Ankara et de Bakou.

Des réparations, par l’entremise de ces organisations, individus et avocats qui ont entaché la réputation des Arméniens, seraient donc inévitablement détournées à chaque occasion, malgré l’éclosion de la vérité.

L’inaction de l’Arménie

Scandaleusement, la République d’Arménie, acteur international qui était le mieux placé pour engager des poursuites pénales, a tourné le dos aux réparations arméniennes, à la justice pénale et à la reconnaissance du génocide par Ankara !

La République d’Arménie s’est comportée, ici, comme une mère indigne, qui ne reconnaît plus sa famille, se compromet dans la complaisance envers les descendants des bourreaux.

Au moment de la guerre de l’Artsakh de 2020, l’Arménie s’est plainte officiellement de la complicité des entreprises occidentales dans la livraison d’armes à Bakou, du soutien militaire apporté par Ankara, et de l’indifférence du monde. Pourtant, c’est l’Arménie qui a tout mis en oeuvre, depuis 1991, pour faire comprendre au monde qu’elle n’attendait rien de la Turquie, qu’elle se soumettrait à tous les diktats, qu’elle accepterait toutes les insultes, qu’elle se prosternerait devant toutes les chancelleries du monde. L’Arménie a adopté une politique nationale et internationale d’indolence, de lenteur et de molesse dont elle récolte régulièrement les fruits amers.

L’Arménie a encouragé la diaspora arménienne à tomber dans l’erreur à ses côtés, à devenir (ou à rester) des ստրուկ (esclave) par divers moyens (ministère de la Diaspora, UGAB, Fonds Arménien, Etchmiadzine, etc). Il fallait, au dire d’un de ses ministres des Affaires étrangères, un ancien du KGB, que la diaspora se situe dans un « cadre » qui s’est rapidement avéré être celui des traités de Moscou, de Lausanne et d’Alexandropol, ce socle d’impunité et de soumission dont l’Arménie n’a jamais voulu se défaire.

Quel acteur va prendre le flambeau des réparations et de la justice pénale ?

Après un tel désastre, le flambeau des réparations et de la justice pénale devrait être pris par un nouvel acteur, qui se dresserait clairement contre ce paradigme de l’impunité, contre cet abandon, cette soumission et cette capitulation.

Ce ne pourrait être l’actuelle Turquie car elle est lestée du poids des milieux politiques, financiers, idéologiques et institutionnels qui empoisonnent la culture, l’histoire et la démocratie en Asie Mineure.

En effet, une Turquie non purgée de son venin idéologique pourrait orchestrer, avec des Arméniens acolytes de la débâcle, des réparations « symboliques » piteuses.

L’espoir se situerait-il davantage du côté d’une post-Turquie démocratique, débarrassée de son ultra-nationalisme, de son militarisme et de son ottomanisme débridés ? Cette post-Turquie pourrait mettre en oeuvre des réparations matérielles et financières sur tout le territoire de l’Arménie historique et en Asie mineure, jusqu’en Azerbaïdjan, en appliquant, entre autres, les mesures suivantes : rénover l’ensemble du patrimoine arménien, reconstruire les sites culturels arméniens détruits, les quartiers arméniens et les villages disparus, indemniser les familles arméniennes, créer des écoles en langue arménienne (l’arménien occidental parlé par les victimes du génocide et leurs descendants), financer des projets artistiques arméniens, lancer des fondations (gérées par des gens sincères qui ne seraient pas des ultra-nationalistes turcs, même déguisés ou parfumés), rétablir les anciens noms arméniens des villes et villages du pays, renommer les rues, les places, avec des noms de rois, de scientifiques, d’intellectuels, de musiciens et de poètes arméniens.

Mais rien ne garantit une telle issue historique, et tout pourrait basculer, par la faute de quelques individus et organisations, pour des raisons déjà évoquées.

L’espoir se situe du côté de la société civile internationale, des acteurs indépendants, d’une nouvelle force de sécurité internationale, postérieure à l’OTAN, qui intègrerait la sanction du crime de génocide, y compris de manière rétroactive, et donc applicable au génocide des Arméniens et à d’autres génocides impunis.